Inspiré par l'entreprise libérée, comment transformer sa structure ?

Sommaire

Le retour d’expérience de Naomis, par le dirigeant et fondateur de la société.

Engager la transformation de l'entreprise

Septembre 2013, la société NAOMIS a trois années d’existence dans le groupe KERAN (à l’époque Groupe SCE), dans lequel le projet de mobiliser des expertises informatiques autour de l’activité principale de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire se développe depuis 30 ans.

Les 15 collaborateurs de NAOMIS ont des profils diversifiés, plutôt métiers, mais certains sont assez techniques et numériques : chefs de projet informatique, développeurs informatiques. L’équipe se consolide sur des compétences informatiques mais évolue dans la culture du groupe, celle des bureaux d’études. Elle est donc assez hétérogène, ce qui fait sa richesse, une déjà bonne adaptabilité de NAOMIS à son marché, mais la gestion de cette diversité de profils, leur management au quotidien, les motiver et les embarquer dans un projet d’entreprise NAOMIS est un vrai challenge.

 

À l’époque, intéressé par le concept de l’entreprise libérée, alimenté par les ouvrages, expériences d’Isaac GETZ, de Jean François ZOBRIST, d’Alexandre GERARD, de Christophe COLLIGNON, et d’autres… quelques rencontres et échanges avec ces promoteurs, expérimentateurs de ce concept, j’y trouve une source d’inspiration pour engager avec les collaborateurs une transformation profonde de l’entreprise et de son fonctionnement.

Tous réunis en séminaire pour deux jours en septembre 2013, nous engageons cette réflexion collective, plus modestement orientée sur l’agilité. Cela me semble être un des prérequis et c’est surtout plus concret… (et nous mettrons aussi notre agilité au défi de l’exercice du Paddle dans le golfe du Morbihan !).

Les concepts de l’agilité, appliqués en gestion de projet informatique, ou autres, comme en management d’équipe, enrichis par une culture du numérique que nous adoptons en parallèle, cassent les codes de notre fonctionnement historique, et amènent la mise en place de nouvelles modalités de travail collectif, notamment de nombreux rituels (les daily projet, le weekly meeting…), et des méthodes d’intelligence collective pour la conception de projets, dont le Design Thinking… Certains principes de l’entreprise libérée viennent compléter cette réflexion sur notre transformation. Nous retenons notamment un fonctionnement basé sur la confiance, la transparence, sur l’autonomie des collaborateurs au sens de leur responsabilisation, l’auto-gestion des équipes, la quête de sens au travail, le plaisir… L’importance de l’expérimentation et du droit à l’erreur s’affirme également pour l’équipe.

Concrètement, nous réinventons certains de nos espaces de travail pour favoriser les rassemblements collectifs pour des moments d’intelligence collective ou… de convivialité. Les congés et les notes de frais ne sont plus soumis à la validation des managers, notre organisation est simplifiée et les managers se muent en animateurs d’équipes, et non plus en chefs. Les nouvelles méthodes de travail percolent dans nos projets et nous expérimentons certaines méthodologies avec nos clients, convertissant certains à de nouvelles pratiques dans leur fonctionnement, leur organisation. Les projets structurants sont confiés à des groupes de travail, par exmple la mise en place du télétravail dont la charte aura été rédigée par les salariés. Dans une démarche de définir de grands principes et de laisser un espace de liberté aux collaborateurs (celui générant la créativité, le bien-être au travail), un « Kadre » de l’agilité est défini collectivement pour donner des repères à l’ensemble des collaborateurs où chaque côté (respect des clients, respect des collaborateurs, notre ligne de flottaison financière, le projet de l’entreprise) est défini par des critères précis.


Faire vivre le projet

Bien entendu, même après quelques séminaires annuels collectifs pour poursuivre, ce chemin vers un nouveau mode de fonctionnement et de management n’est pas un long fleuve tranquille… Certaines idées seront de vrais échecs (mais on expérimente !), tous les collaborateurs ne sont pas réceptifs à ces changements car cela impose de sortir de sa zone de confort (c’est finalement assez confortable d’avoir un chef qui dit quoi faire plutôt que de prendre des initiatives, parce que l’entreprise considère que nous sommes le meilleur spécialiste de notre métier, être responsabilisé sur sa production), et de réflexes individualistes dans un fonctionnement qui se veut basé sur l’intérêt collectif. L’auto-gestion d’une équipe, notamment dans des arbitrages délicats ou le recadrage du mauvais comportement d’un des collaborateurs (sans intervention de la direction donc) reste limitée. Ces difficultés et échecs s’expliquent aussi, bien sûr, par des mauvaises approches, des maladresses de ma part dans la mise en place de ces concepts.   

La problématique la plus difficile à mon sens est la gestion de la confiance trahie, les mesures à prendre quand un collaborateur, une action engagée par un collaborateur, sort du cadre défini. À l’image de méthodes agiles, qui doivent finalement être très rigoureuses pour être efficaces, et ne supportent pas d’écarts, ou peu, dans leur application, sortir du cadre peut faire basculer l’organisation vers un fonctionnement plus anarchique et produire les effets contraires à ce qui est recherché, et cela doit amener à des décisions fortes… que je n’ai pas su/pu prendre dans de telles situations, heureusement assez rares. 

Une autre difficulté est d’embarquer les nouveaux collaborateurs dans ces démarches, construites collectivement avant leur arrivée, par les autres collaborateurs, de faire vivre tous ces principes dans le temps…

Cette transformation ne fait pas complètement disparaître les tensions, les difficultés, les mécontentements de certains collaborateurs, elle ne convient pas à tout le monde. Mais, ce qui est aussi un exercice de lâcher prise du dirigeant a un retour très bénéfique pour ce dernier : c’est une belle réussite et quotidiennement un réel plaisir de voir la société fonctionner et se développer avec l’implication de collaborateurs motivés, prenant des initiatives, proposant de nombreux projets…

Aujourd’hui NAOMIS reste certainement assez éloignée de l’entreprise libérée. Mais elle a réussi à mon sens sa transformation en une structure plus agile, innovante, collaborative, ouverte et transparente, et avec un management plus collectif, se nourrissant des initiatives des collaborateurs. C’est certainement une des principales raisons de sa réussite ces dernières années, d’une bonne qualité de vie au travail, de la résilience de son équipe face à l’épisode du COVID et du succès de mises en œuvre plus récentes, et toujours collectivement, de véritables innovations sociales comme la semaine de 4,5 jours… qui seront l’objet de prochains articles !


L'AUTEUR

Christophe DALICHAMPT
Christophe est DG de NAOMIS et se mobilise au sein du groupe KERAN pour l’usage du numérique au service des métiers du groupe depuis une trentaine d’années. Il accompagne comme consultant les clients de NAOMIS, et le groupe KERAN, dans leur transformation numérique. Passionné par l’apport des technologies informatiques pour répondre à des besoins métiers, et inspiré par la culture du numérique, il aime les challenges et avancer en équipe sur des innovations techniques et des innovations sociales.

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