La dataviz dans le rétroviz

Sommaire

Je propose ici une petite rétrospective des dataviz les plus emblématiques, et celles qui m’ont le plus marquée ou inspirée. 

Ce sont des choix purement personnels, parce que ces dataviz ont marqué un tournant dans l’histoire de la datavisualisation, parce qu’elles ont une histoire et qu’elles permettent de faire bouger les lignes, de mieux comprendre des phénomènes, parce qu’elles sont créatives.  

Je n’ai pas choisi de montrer des ratés, mieux vaut les laisser dans l’anonymat. Quelqu’un (je ne sais pas qui, j’avoue) entre Descartes et Edouard Baer a dit : “il y a 2 sortes de bonnes dataviz : celles dont on n’a pas besoin de lire le texte pour les comprendre, celles qui sont tellement belles qu’on a envie de les comprendre”. J’adhère à cette idée… 

Les thématiques choisies sont aussi un peu orientées, la santé est l’un des domaines qui a beaucoup fait avancer la visualisation de données (ayant fait un petit détour thésaurique en géographie de la santé, vous trouverez assez naturellement pas mal d’exemples issus de cette discipline). Les guerres aussi ont beaucoup inspiré les datavisualisateurs (mais là… n’y voyez aucun lien avec mon expérience personnelle). 

Les débuts de la dataviz

Remontons le temps et démarrons aux 18-19ème siècle, c’est le moment où les graphiques de données commencent à apparaitre, dans les journaux notamment.  

Le précurseur dans ce domaine s’appelle William Playfair, ingénieur économiste écossais, qui a travaillé sur des données économiques et a inventé rien de moins que l’histogramme, le donut et la série chronologique. Du respect pour Monsieur Playfair, c’est fairplay. 

Représentation graphique de l’évolution des intérêts de la dette publique britannique au cours du XVIIIè siècle. Graphique publié dans The Commercial and Political Atlas – 1786

Un autre graphique historique emblématique, et même visible dans certains manuels d’histoire, est celui de Charles Joseph Minard publié en 1869. L’histoire des pertes humaines de la campagne de Russie entrepris par Napoléon en 1812 : il est beaucoup cité en exemple parce que c’est – il me semble – un des premiers storytelling, on y ressent toute l’horreur de la guerre, la débâcle et les conditions terribles parfois dans des détails comme la bataille de la Bérézina avec la perte de la moitié des soldats. C’est un graphique qui se vit, se raconte, et dans lequel l’auteur réussit la prouesse de montrer à la fois les lieux de bataille (itinéraire, cours d’eau, villes), l’itinéraire de l’armée, les pertes humaines, et les variations de températures lors de la retraite. Ils partirent 400 000 et revinrent 10 000. Gloups !  

La ligne beige illustre l’avancée des troupes vers Moscou, la ligne noire symbolise la retraite, la largeur est proportionnelle à l’effectif des troupes (1 mm = 10 000 soldats). Tandis que l’armée bat en retraite, une ligne noire trace son chemin de retour, à l’échelle des troupes restantes.   

Charles Joseph MinardCarte figurative des pertes successives en hommes de l’armée française dans la campagne de Russie 1812-18131869 

On ne va pas respirer tellement plus et rester dans la thématique de la guerre, en lien avec la santé. On doit la prochaine visualisation à Florence Nightingale, infirmière britannique qui en plus de soigner les blessés avait le temps d’une petite prise de hauteur pour faire un peu de statistiques sur les causes saisonnières de mortalité des patients de l’hôpital militaire qu’elle dirigeait. Elle crée des diagrammes qu’elle appelle crête de coq (coxcomb) aujourd’hui appelés roses de Nightingale. Elle prouve grâce à ces graphiques que les soldats meurent dix fois plus de maladies que de leurs blessures de combat. Elle œuvre beaucoup par la suite pour améliorer les conditions sanitaires, ce qui aide à baisser drastiquement le nombre de morts par maladie. Petite leçon d’humilité.

Florence Nightingale – Diagram of the causes of mortality in the army in the East – 1858

Toujours dans le domaine de la santé, voici le Dr John Snow (l’autre... Cholera is coming) médecin britannique qui a fait un travail important sur la compréhension de la propagation du choléra à Londres, notamment grâce à cette carte. A l’époque on ne savait pas trop comment se propageait la maladie, on supposait qu’elle se propageait par l’air.  

Il s’agit d’une carte du quartier de Soho sur laquelle il représente les morts de choléra selon leur résidence avec des histogrammes directement sur la carte, les croix représentent quant à elles les pompes à eau du quartier. Grâce à la carte il voit qu’une de ces pompes est à l’épicentre de l’épidémie, pressens que l’eau est contaminée et fait retirer la poignée de la pompe. La pompe n’est donc plus utilisée et l’épidémie est arrêtée (freinée diront les puristes).

 John Snow Cholera map – 1854 

Vous avez sous les yeux les fondements de l’épidémiologie moderne.  

La dataviz de nos jours

Un petit saut dans le temps, et beaucoup plus contemporain, de nouveau sur le thème des guerres (promis c’est le dernier) avec une de mes visualisations préférées : Poppy Field de Valentina d’Efilippo .  

Cette visualisation représente les principaux conflits du XXe siècle sous la forme de coquelicots. La symbolique est d’une incroyable puissance : symbole de la 1ere guerre mondiale, symbole de résilience parce qu’il pousse sur les champs de bataille, fragilité de ses pétales comme celle de la vie, couleur évocatrice de la guerre.  

Chaque coquelicot représente une guerre : la tige s’étend de l’année du début à l’année de fin d’une guerre, la taille des pétales correspond au nombre de morts, et sa couleur indique la région où les combats ont eu lieu.

Poppy Field  Valentina D’Efilippo 

Vous pouvez l’explorer dans sa version Web ici : https://poppyfield.org/ 

Toujours dans une thématique légère, le changement climatique. Le phénomène est complexe, certes, pour autant est-ce besoin de faire tout comprendre en un seul graphique ? un message, un graphique, on ne peut pas faire plus clair que : 

Professeur Ed Hawkins – Warming Stripes – 2018

Encore un graphique extrêmement puissant, d’une simplicité déconcertante pour montrer l’évolution du réchauffement climatique. Une bande de couleur par année pour représenter la température moyenne. Vraiment, certains ne comprennent toujours pas l’urgence dans laquelle nous nous trouvons ?  

En plus il est compréhensible par la plupart des gens atteints de troubles de vision des couleurs, alors ne boudons pas notre plaisir. Une version en ligne par zone du globe est disponible ici  : https://showyourstripes.info/

Vous en voulez encore ?!

Je crois que je pourrais encore citer facilement 30 qui m’inspirent, ce sera peut-être l’objet d’un autre article ! En attendant voici quelques spécialistes en  dataviz contemporains, avec la dataviz qui m’a fait les découvrir, et je ne peux que vous recommander d’aller voir l’ensemble de leur travail. 

Hans Rosling bien sûr avec GapMinder  : What else ?

https://www.gapminder.org/tools/#$chart-type=bubbles&url=v2  

Nathan Yau  : A day in the Life of Americans

https://flowingdata.com/2015/12/15/a-day-in-the-life-of-americans/  

 Moritz Stefaner  : Peak Spotting / Managing passenger loads in the German rail network

https://truth-and-beauty.net/projects/peakspotting  

Jan Willem Tulp (Ghost Counties)

https://tulpinteractive.com/ 


L'AUTEUR

Anaïs HYENNE
Anaïs est cheffe de projet fonctionnel et pilote de la feuille de route Innovation de Naomis. Passionnée par le design et la conception orientée utilisateur, elle intervient principalement sur des projets de développement applicatif pour garantir la prise en compte de la vision utilisateur, de la conception à la livraison, avec un accompagnement pour la prise en main.  

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