
La directive Inspire décryptée
Sommaire
Depuis plus de 20 ans Inspire est la référence en matière de structuration des données géographiques. D’où vient cette directive ? Pourquoi a-t-elle été mise en place ? Qu’a-t-elle apporté ? Voici quelques éclairages !
C’est quoi la directive Inspire ?
Lors des 20 dernières années, l’accès à l’information environnementale pour l’ensemble des citoyens a pris de l’importance et s’est vu conforté par de nombreux textes législatifs. La directive européenne INSPIRE (Infrastructure for Spatial Information in Europe, approuvée en 2007) est venue compléter ces textes pour la diffusion des données géographiques détenues par les services publics.
C’est une réglementation européenne qui a été élaborée par la direction générale de l’environnement de la commission européenne. Elle a pour but d’établir une infrastructure de données géographique afin d’assurer l’interopérabilité entre les bases de données, et faciliter la diffusion, la disponibilité, l’utilisation et la réutilisation de l’information géographique en Europe, notamment aux fins des politiques environnementales communautaires et des politiques ou des activités de la Communauté susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
Elle repose sur les obligations suivantes :
- La fourniture des données selon des règles de mise en œuvre communes ;
- La constitution de catalogues de données (métadonnées) ;
- L’application de règles d’interopérabilité ;
- L’accès gratuit aux métadonnées ;
- L’accès aux données pour les acteurs réalisant une mission rentrant dans le cadre d’INSPIRE ;
- Les services pour permettre ces accès ;
- L’existence d’une organisation adaptée pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de la directive.
Pour l’essentiel, la directive Inspire et donc le nouveau chapitre du code de l’environnement imposent aux autorités publiques, d’une part de rendre leurs données environnementales géographiques accessibles au public en publiant sur Internet ces données et les métadonnées correspondantes, d’autre part de les partager entre elles.
La transposition dans le droit français
L’ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010, ratifiée par la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011, a transposé sur le plan législatif plusieurs directives européennes relatives à l’environnement et notamment la directive 2007/2/CE du 14 mars 2007, dite directive Inspire3, qui vise à établir une infrastructure d’information géographique dans la communauté européenne pour favoriser la protection de l’environnement. A ce titre l’ordonnance a ajouté au titre II du livre 1er du code de l’environnement un chapitre VII4 intitulé « De l’infrastructure d’information géographique », introduisant les nouveaux articles L. 127-1 à L. 127-10 dans ce code.
Deux décrets, du 1er mars et du 5 mai 2011, ont transposé la directive Inspire sur le plan règlementaire en créant 3 nouveaux articles (R. 127-8 à R. 127-10) dans le code de l’environnement.
Le décret du 31 janvier 2015 a réorganisé le CNIG (conseil national de l’information géographique) et lui a confié le rôle de structure de coordination nationale prévue aux articles 18 et 19.2 de la directive Inspire. La transposition de cette dernière dans le droit français est maintenant achevée.
Un compromis pas si facile à trouver !
INSPIRE ne résulte pas d’une tentative de mobilisation des acteurs pour le bénéfice des citoyens européens. En réalité, elle est issue de l’échec de l’initiative « GI2000 » lancée par la DG XIII en 1995, soutenue par l’association Eurogi. Ce projet visait à organiser le marché européen de l’information géographique mais n’a pas trouvé de soutien suffisant. La commissaire européenne Margot Wallström a relancé le projet INSPIRE, qui a rencontré des obstacles lors des négociations en 2006, notamment autour de l’article 23(1), devenu l’article 17(2), concernant les restrictions d’utilisation des données. Les États membres, en particulier le Royaume-Uni, craignaient pour les modèles économiques des agences de cartographie. Finalement, un compromis a été trouvé, permettant à INSPIRE de se concentrer sur le partage de données entre autorités publiques, avec une obligation de publication en ligne, bien que la mise en œuvre varie considérablement entre les États membres.
Un texte qui s’inscrit dans l’ouverture des informations publiques et franchit un nouveau palier
La directive européenne Inspire complète, dans le domaine de l’information géographique, des dispositions récentes, allant toutes dans le sens d’une plus grande ouverture des informations publiques, notamment environnementales, et en particulier géographiques :
- Pour ce qui concerne le droit à communication et à réutilisation des informations publiques en général : à la suite de la directive 2003/98 sur la réutilisation des informations du secteur public, l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 (relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des données publiques) a modifié la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (« loi CADA ») et oblige les administrations publiques à « communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande ». En outre les informations figurant dans ces documents « peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » (article 10).
- Pour ce qui concerne les informations publiques environnementales : à la suite de la convention européenne d’Aarhus (1998) et de la directive 2003/4 (concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement), la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 a modifié le code de l’environnement et oblige les autorités publiques à communiquer les informations relatives à l’environnement (article L. 124-3 de ce code) et même à publier certaines d’entre elles sur Internet (article L. 124-8 et article R. 124-5).
Par rapport à ces dispositions, la directive Inspire présente deux caractéristiques essentielles :
- elle ne concerne que l’information géographique,
- elle va au-delà de la communication sur demande en imposant d’une façon générale la publication sur Internet.
La mise en œuvre
La directive prévoit la mise en place par chaque État membre d’une infrastructure d’information géographique dédiée à la protection de l’environnement et ayant plus largement pour objet d’améliorer l’information des citoyens, de faciliter la décision publique et de favoriser la croissance et l’emploi grâce au développement du secteur de l’information géographique et des activités reposant sur l’exploitation de cette information. Ces missions sont confiées au CNIG.
Transposé aux articles L. 127-1 et suivants du code de l’environnement, le texte retient une définition très large de la donnée géographique, comprise comme toute donnée faisant directement ou indirectement référence à un lieu spécifique ou une zone géographique. Sont concernées les données détenues par les autorités publiques ou en leur nom, sous forme électronique, relatives à une zone sur laquelle la France détient ou exerce sa compétence et concernant au moins un thème énuméré par les annexes à la directive. Ces annexes visent à la fois des données géographiques « socle » (systèmes géodésiques, topographie, hydrographie, parcellaire…) que des données dites « métier » (servitudes d’utilité publique, zonages administratifs divers, santé et sécurité des personnes…). Ces données, les séries qu’elles composent et les services dont elles sont le support doivent obéir à des standards d’interopérabilité déterminés par les règlements pris en application de la directive « Inspire » (art. L. 127-3)24.
Si on risquait un petit bilan ?
La directive INSPIRE, adoptée en 2007, a été un tournant majeur dans la gestion et l’échange des données géospatiales au sein de l’Union européenne. Voici ce qu’elle a apporté et pourquoi elle est considérée comme une référence :
Harmonisation des Données Géospatiales :
– Standardisation : INSPIRE a établi des normes pour les métadonnées, les formats de données, et les protocoles d’échange, facilitant la compatibilité et l’interopérabilité entre les systèmes de données géographiques des différents États membres.
– Cadre commun : Elle a mis en place un cadre juridique et technique pour l’organisation, le partage et l’accès aux données géospatiales, assurant que les informations soient disponibles dans des formats et selon des normes homogènes à travers l’UE.
Accessibilité des Données :
– Portails de Données : INSPIRE a encouragé la création de portails en ligne où les données géospatiales peuvent être consultées et téléchargées. Cela a facilité l’accès aux informations géographiques pour les autorités publiques, les entreprises et les citoyens.
– Transparence : L’obligation de publier les données géospatiales en ligne a amélioré la transparence et l’ouverture des données publiques.
Amélioration de la coordination :
– Coopération Intergouvernementale : INSPIRE a renforcé la coopération entre les autorités publiques au niveau européen, national et local, en établissant des mécanismes pour coordonner le partage et la gestion des données géospatiales.
– Gestion Environnementale : En intégrant les données environnementales, INSPIRE a soutenu des politiques plus informées en matière de gestion de l’environnement, de planification urbaine et de gestion des catastrophes.
Développement durable :
– Support pour les Politiques Européennes : INSPIRE contribue à l’élaboration de politiques européennes en fournissant des données précises et à jour, soutenant ainsi des initiatives comme le développement durable et la gestion des ressources naturelles.
Modèle pour d’autres régions :
– Benchmark International : INSPIRE est souvent citée comme un modèle pour d’autres initiatives de gouvernance des données géospatiales à l’international, en raison de son approche intégrée et de ses normes élevées.
– Impact Global : Elle a inspiré des projets similaires dans d’autres régions, comme le Cadre de Référence pour les Données Géospatiales en Amérique du Nord ou les initiatives de partage de données en Australie.
Référence en matière de gouvernance des données :
– Exemplarité : La directive est considérée comme une référence en matière de gouvernance des données géospatiales pour son approche systématique et ses principes de transparence, d’interopérabilité, et de coopération.
– Standards et Bonnes Pratiques : Elle a établi des standards et des bonnes pratiques qui ont été adoptés par d’autres initiatives similaires dans le monde.
En somme, la directive INSPIRE a transformé la gestion des données géospatiales en Europe en rendant les données plus accessibles, compatibles, et utiles pour la prise de décision à divers niveaux, tout en servant de référence pour les initiatives internationales dans ce domaine et ce bien avant la généralisation des obligations d’ouverture des données d’intérêt général avec la loi pour une République Numérique de 2016.
Retrouvez toutes les informations sur la directive et la norme Inspire : https://www.geoinformations.developpement-durable.gouv.fr/directive-inspire-r296.html
L'AUTEUR

Zazie CASIMIR-FAVROT
Zazie est chargée d’études SIG. Elle travaille sur différents projets, pour différents clients, pour tout ce qui touche aux SIG : numérisation de données et de cartes, administration et intégration de données géographiques, analyses et représentations cartographiques, création d’applications cartographiques, formations... le tout principalement sur les outils de la suite ESRI. Elle est actuellement prestataire à plein temps à Nantes Métropole, à la Direction de la Géographie et de l’Observation, à la Mission Observation.